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— Regarde-la, dit-elle. C’est mon enfant gâté, comme toi, toi aussi. C’est une bonne fille…, dix-huit ans, et droite comme un jeune arbre, et un brave cœur, tu n’es pas meilleur !… Vois-tu, mon enfant, si tu n’étais pas un comte, un grand seigneur, et elle une paysanne, ce serait une femme pour toi.

— Que dites-vous là, grand’mère ? interrompit Marcella, qui rougit jusqu’au blanc des yeux en voyant que le comte l’examinait.

— Eh bien ! il n’y a pas de mal, dit la vieille femme ; apporte toujours ton lait caillé ; apporte aussi du lait doux pour les enfants.

Marcella sortit, et revint bientôt avec une grande terrine de lait caillé bien épais ; elle était suivie de Liska, qui consentait enfin à nous laisser voir son petit nez retroussé et ses tresses blondes, et de Vachkou, que l’on avait débarrassé de sa coiffure ; la première portait une pelote de beurre jaune et un fromage, posés sur de larges feuilles vertes, le second une miche de pain noir. Le père de Marcella nous donna deux cuillers de bois, et le comte prit son couteau de chasse pour couvrir de beurre et de fromage nos tranches de pain.

Toute la famille nous regardait manger. Le vieux paysan fumait sa pipe, la grand’mère était assise, les mains jointes sur ses genoux, Ève berçait son enfant, Marcella avait repris son fuseau. Le gendre de Nikita vint ensuite avec une seconde terrine. — Bonne maman, dit-il, voici le lait pour les enfants.