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troublaient le silence de la forêt. Déjà le crépuscule voilait les objets à notre portée, et toujours pas de réponse, pas une voix amie qui vînt nous délivrer.

— Viens, dit enfin le comte ; nous tenterons la chance encore une fois. Il faut bien que nous finissions par sortir de ce taillis.

Il eut à peine annoncé sa résolution que le son d’une voix frappa nos oreilles, — c’était cette voix douce et profonde que nous avions entendue l’autre nuit dans le village, c’étaient les mêmes paroles :

Ne va point chez les fileuses
Qui veillent le soir…

— Hop ! hop ! criai-je de toute la force de mes poumons.

Car des œuvres ténébreuses
Sont en leur pouvoir.

Portée sur les ondes de la mélancolique mélodie, la voix flottait, semblait se rapprocher.

— Ohé ! la sorcière ! cria le comte. Où es-tu ?

Si tu vois monter la flamme,
C’est trop tard pour toi…

La voix était déjà tout près de nous lorsqu’elle termina le second couplet.

La vidma t’a pris ton âme,
Tu subis sa loi.

J’entrevis à travers les arbres la taille élancée d’une jeune paysanne qui se dirigeait vers nous.