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âme nouvelle. Un jour, pendant un orage, les bougies s’étaient éteintes, des éclairs illuminaient de temps en temps les murs de lueurs blafardes. Olga s’était endormie dans les bras de son amant. Tout d’un coup les visions lui vinrent, et elle se mit à parler en songe. Vladimir ne comprit pas d’abord, la secoua par le bras, l’appela par son nom : il ne put la réveiller. Une indicible terreur le saisit, et il l’écouta en silence jusqu’à ce que l’orage fût dissipé, et qu’il la vît endormie éclairée en plein par la tranquille lumière de la lune. Alors il prit courage, et voulut la questionner sur la vie future ; mais elle répondit qu’elle ne pouvait rien voir au delà des brouillards terrestres. Elle avait seulement peur de se voir ensevelie dans une fosse où les vers la mangeraient, et lui fit promettre qu’elle serait déposée dans un caveau. Il s’accoutuma peu à peu à cette seconde âme, et finit par vivre avec elle en bonne intelligence.

Olga en vint à renoncer presque complètement au monde, et n’y fit plus que de rares apparitions. Vladimir venait assez souvent au château, et alors il couchait ici dans cette chambre…

Quand le printemps eut fait reverdir la terre, ils cultivèrent ensemble le jardin ; il n’y eut pas une fleur qu’ils n’eussent planté de concert. Les abeilles se posaient sur les mains d’Olga comme des serins privés et se promenaient dans ses cheveux ; elle connaissait les nids des fauvettes et des pinsons et celui du rossignol. L’été, ils parcouraient les champs, et le soir, assis sur la lisière du bois, sous un ciel noir