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soutenir, je ne veux pas que tu me quittes…

Il voulut la relever, elle se cramponna à lui avec désespoir, baignant ses pieds de ses larmes.

― Je ne cesserai de t’aimer, dit-il tristement. Je viendrai tous les jours. Je trouverai moyen de te distraire… Je te ferai connaître ce qui peut enchanter l’esprit, les fleurs, les animaux, les étoiles. J’aimerai tes enfants et ton mari. ― Il l’embrassa sur les cheveux.

― Si tu peux me céder à lui, tu ne m’aimes pas, murmura-t-elle.

― Et n’est-ce pas te céder, si tu restes sa femme ? répliqua-t-il avec amertume.

Elle ne répondit pas.

― Il faut nous résigner.

― Je ne le puis pas.

― Tu dois pouvoir, dit-il d’une voix basse, mais ferme. Ton choix est fait…

― Je ne sais qu’une chose, c’est que je te veux tout entier, s’écria-t-elle avec une passion qui débordait.

― Calme-toi, répondit-il gravement. Il faut que je parte. Je te laisse le temps de réfléchir. Quand tu auras pris un parti, tu m’écriras. Je reviendrai comme par le passé, ― en ami, sans rancune… et sans espoir. ― Il lui tendit la main.

― Tu pars sans m’embrasser ? ― Elle lui saisit la tête, et sa bouche mordit ses lèvres à les faire saigner. ― Maintenant va, dit-elle, et elle releva ses bandeaux, qui s’étaient détachés. Va. Oh ! voilà que tu ne peux plus t’en aller. Que tu es faible !