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― Eh bien ! dit-elle en se redressant, voulez-vous dire que vous avez cédé à l’entraînement d’une heure d’oubli, que vous ne m’aimez point ?

― Ah ! reprit-il avec une gravité émue, vous ne devinez pas à quel point je vous aime ; mais c’est parce que je vous aime que je veux vous voir heureuse. Est-ce ainsi que vous pourriez l’être ? Et cet amour qui nous élève au-dessus de nous-mêmes doit-il vous faire glisser dans l’abîme d’où j’aurais voulu à tout prix vous tirer ? Vous n’étiez pas heureuse jusqu’à ce jour, mais du moins vous n’avez pas failli à vos devoirs, ― et ce serait moi qui vous apprendrais à tromper, à mentir ? Espérez-vous donc vivre en paix, forcée d’avoir deux visages, l’un pour le mari, l’autre pour l’amant, et ne sachant plus à la fin lequel des deux est le vrai et lequel celui qui ment ? Non, ce n’est pas là ce que je souhaite pour vous. Je ne veux pas vous perdre, je veux vous sauver. Ah ! Olga, tu ne sais pas combien je t’aime… Et puis, vois-tu, je ne gagnerais pas sur moi de faire ce qui paraît si simple à tout le monde. Hélas ! que ne puis-je t’appeler ma femme ! Le mariage chez nous est un sacrement : à mes yeux, c’est chose vile de voler sa femme au mari, ― et il s’agit de Mihaël, de mon meilleur ami… Enfin je ne comprends pas le partage. J’aurais la force de renoncer à la femme que j’aime ; mais me dire qu’elle est à moi, et la laisser dans les bras d’un autre, je ne pourrais pas y consentir.

Olga l’avait écouté en ouvrant des yeux étonnés. ― Alors que veux-tu donc ? demanda-t-elle. Je ne