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respiration rapide, les yeux étincelants, les cheveux épars, on eût dit une ménade.

Vladimir se leva. Elle poussa un cri de douleur, et étendit les bras comme pour le retenir ; à un regard de lui, elle baissa le front, et ses bras retombèrent inertes. Il sortit. Elle s’affaissa sur le tapis, sanglotant.

Des jours se passèrent, puis des semaines, un mois entier ; Vladimir ne revint pas. Il évita même de revoir Mihaël.

Olga souffre le martyre. Elle sait maintenant qu’il l’aime et qu’il la méprise ; sa passion s’enflamme également de cet amour et de cette haine. Elle commence des lettres qu’elle déchire ; elle fait seller son cheval pour aller chez lui, et n’y va pas. Elle reste des heures plongée dans une amère contemplation. Toutes ses pensées sont pour lui. Le soir, lorsqu’elle est debout à sa fenêtre, à chaque instant elle croit entendre le pas de son cheval ou sa voix. Que de nuits elle passe à se retourner sur sa couche sans sommeil jusqu’à ce que l’aube lui ferme les paupières ! ― Elle commence enfin à comprendre la musique et les poètes.

Il fait presque nuit. Elle est à son piano, elle joue la sonate, et avec les sons coulent ses larmes. Mihaël s’approche doucement, reste debout derrière son tabouret et l’attire à lui. Il ne la questionne pas ; elle appuie sa tête contre sa poitrine et pleure…

La somnambule avait peu à peu baissé la voix, et elle s’était détournée de moi, par un mouvement