Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/190

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

― Où est M. Mihaël ? demanda-t-il.

― À Kolomea.

― Alors je…

― Vous ne vous en irez pas ainsi ? ― Vladimir hésitait. ― Depuis ce matin, je vous attends, dit-elle d’une voix oppressée. Je vous en prie, restez.

Vladimir déposa sa casquette sur le piano, et prit l’un des petits fauteuils bruns. Olga fit encore quelques pas, puis tout à coup elle s’arrêta devant lui, et à brûle-pourpoint : ― Avez-vous jamais aimé ? demanda-t-elle d’une voix brève, saccadée. Oui, n’est-ce pas ? ― Un sourire ironique plissa ses lèvres.

― Non, répondit-il gravement.

Olga le considéra, surprise. ― Et pourriez-vous aimer ? dit-elle enfin avec hésitation. Je ne le crois pas.

― Vous vous trompez encore. Les hommes comme moi, qui ne se sont point dépensés en petite monnaie, sont peut-être seuls capables d’un amour vrai. Peut-on demander cette chose à ces pommes vertes de dix-huit ans ? Il n’y a qu’un homme qui en soit capable… et une femme peut-être, si elle n’a pas déjà gaspillé son cœur…

― Et comment devrait être la femme que vous pourriez aimer ? ― Vladimir garda le silence. ― Cela m’intéresse au dernier point.

― Il faut que je réponde ?

― Je vous en prie.

― Eh bien ! elle devrait être tout le contraire de vous, dit-il tout bas.