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commandait la confiance. De toute sa personne, en dépit de ses façons simples et réservées, se dégageait une certaine poésie.

Tel était l’homme qui en ce moment ne voulait pas prêter la moindre attention aux petits manèges de la plus belle femme du district. Il causait avec Mihaël de l’amélioration de la race chevaline, de l’aménagement des forêts, puis des affaires du pays. Olga finit par jeter sa cigarette et par écouter avec intérêt.

― Notre conversation vous ennuie, madame ? fit Mihaël, qui eut un sourire singulier.

― En aucune façon, repartit Olga. J’ai plaisir à vous écouter. Nous oublions trop souvent jusqu’à quel point notre existence est précaire, et combien il faut d’efforts et de peines pour l’assurer. Quand je vous entends parler avec ce sérieux, ma poitrine se dilate comme si en sortant de mon boudoir parfumé je respirais les senteurs de la forêt.

Elle dit cela simplement avec une bonhomie affectueuse. Vladimir, pour la première fois, jeta sur elle un long regard. En partant il lui tendit la main ; mais qu’elle était froide, cette main, et dure, une vraie main de fer !…

La somnambule racontait sans chercher les mots ; cela coulait de source, mélodieusement, comme si elle eût récité une histoire apprise par cœur. Évidemment elle revivait toutes les scènes qu’elle décrivait, elle voyait tout, chaque trait, chaque geste, chaque mouvement, elle entendait les bruits et les voix.