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peu amusant, et moi,… je n’ai pas le temps de lancer des bulles de savon. La vie est si courte !… Je tombe à vos pieds, madame. ― Et il se retira.

Il revint le lendemain dans l’après-midi. Olga, qui lisait un roman nouveau, ne quitta pas son fauteuil à bascule. Elle l’entendit causer avec Mihaël dans la pièce voisine, dont la porte était entrebâillée. Elle ne voulut pas écouter ; malgré elle, elle ne perdit pas un mot. Non sans dépit, elle constata que Vladimir parlait avec une rare lucidité des sujets auxquels il touchait ; dans sa bouche, hommes et choses devenaient pour ainsi dire transparents. ― Avec toi, ami, on apprend toujours, répétait son mari à plusieurs reprises, ― et elle le savait avare d’éloges.

Il faisait nuit lorsqu’elle s’entendit appeler par Mihaël. Avec une sorte de précipitation involontaire, elle poussa la porte ; elle n’aperçut que les bouts de leurs cigares, qui brillaient comme deux points rouges dans l’obscurité ; cependant au mouvement brusque de l’un des deux points lumineux, elle comprit que Vladimir s’était levé pour la saluer.

Mihaël la pria de faire servir le thé. Quand le Cosaque eut mis la nappe et installé à leur place la lampe et le samovar bourdonnant, Olga vint s’asseoir dans l’un des petits fauteuils après avoir répondu par un signe de tête au salut de Vladimir. Le Cosaque offrit des viandes froides, la barina remplit les tasses, alluma sa cigarette à la lampe et s’enfonça dans son fauteuil. Les deux hommes reprirent leur conversation sans s’occuper davantage de