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tester : ― Tu sais, Kaïetanovna, ce n’est pas moi, la fille du roi !

L’été, la marmaille du château s’assemblait le soir sous les peupliers, et quand Olga s’y trouvait, on jouait au mariage. L’un des garçons faisait le curé ; Olga, parée d’une couronne de feuille de chêne, était la fiancée. ― Tu dois être au moins un comte, disait-elle à son petit mari ; sans cela je ne puis t’épouser ; je suis trop belle pour un simple szlachcic[1].

Elle grandit vite et devint une svelte jeune fille, ayant quelque peine à se tenir droite et toussant un peu. Sa mère s’en inquiétait. ― Olga, disait-elle parfois, prends garde de devenir bossue, on ne pourra plus te marier, et il faudra te faire couturière. ― Elle apprit à danser, à monter à cheval, à chanter, on lui enseigna le dessin et le français. Elle passait pour la plus jolie héritière du cercle, et dès son premier bal sa réputation de beauté fut établie sans conteste. Chaque fois qu’on sortait pour une visite, on la pomponnait comme les chevaux que l’on mène au marché. Partout elle entendait sur son passage des murmures d’admiration. C’est ainsi qu’une couche de glace se forma peu à peu sur son jeune cœur.

L’instituteur lui donnait des leçons. Il lui faisait écrire des exemples, supputer des comptes, lire à haute voix. Tout cela était fort nécessaire, car, lorsqu’elle reçut sa première lettre d’amour, elle ne savait pas encore l’orthographe, et elle ne l’a jamais bien

  1. Hobereau de petite noblesse.