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long du mur en se guidant avec la main gauche ; puis tout à coup elle se retourna, eut l’air de me regarder longuement, et secoua la tête. ― Non, dit-elle, il n’est pas ici, il est mort. ― Elle fut saisie d’un tremblement nerveux, grinça des dents, et tomba sur le plancher avec un cri sourd, la face contre terre.

Elle resta ainsi, les mains enfoncées dans ses cheveux, sanglotant. Peu à peu elle se calma, se tut. Je fis un mouvement pour venir à son aide : alors elle se redressa, ses traits s’étaient détendus et semblaient illuminés par un sourire intérieur. Elle se leva sans effort et s’avança jusqu’au milieu de la pièce ; elle planait plutôt qu’elle ne marchait, on eût dit que ses pieds ne touchaient pas le sol ; la lune, qui l’éclairait en plein visage, l’entourait d’un nimbe de rayons bleus. ― Que pensera-t-il de moi ? murmura-t-elle tristement.

J’avais oublié que je tenais toujours un fusil armé. La somnambule s’approcha et étendit la main pour le prendre. Comme je reculai effrayé, elle eut un sourire.

― Il n’y a pas de danger, dit-elle ; Olga y voit très bien. ― Puis, impatientée de mon hésitation et fronçant les sourcils, d’un mouvement brusque elle m’arracha l’arme, mit le chien au repos, et déposa le fusil dans le coin où je l’avais pris. Je respirai.

― Il ne faut pas qu’il pense du mal de la pauvre Olga, reprit-elle en regardant de nouveau l’astre qui la baignait de ses rayons. Je l’en supplie, ajouta-t-elle d’une voix triste, et elle se mit à genoux. Il pro-