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— Ah ! que ces temps étaient durs ! gémit le vieux Kolanko. Lorsqu’on parlait de ses droits, le seigneur répondait en levant le bâton. Des temps terribles ! Vous autres jeunes gens, vous n’en savez pas grand’chose.

— Eh bien ! dis-je à mon tour, qu’advint-il pendant que vous étiez dehors avec la voiture de sel ? — Je crus nécessaire d’intervenir, car je savais que nos paysans, une fois qu’on les a mis sur ce chapitre de la robot, ne s’arrêtent plus.

V

— Je fis donc une absence assez longue, continua Balaban. Quand je fus de retour, le mandataire[1] m’accabla de besogne, et Catherine évita de me rencontrer. Je me doutai de quoi il retournait. À la fin, le hasard nous mit un jour en face l’un de l’autre à l’église. Elle avait un foulard de soie sur la tête, à son cou un triple collier de corail, et une fourrure de mouton toute neuve, que l’on sentait à vingt pas. Elle n’osait lever les yeux sur moi, et elle était blanche comme un fourniment qu’on vient d’astiquer.

— En voilà de belles ! lui dis-je. Où donc est mon foulard ?

— Cherche-le ! répliqua-t-elle, moitié en colère, moitié effrayée.

  1. Le mandataire ou régisseur remplace le seigneur dans l’administration de ses propriétés et dans les affaires qui ressortissent à sa juridiction.