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— Ce n’est guère possible, dit-elle avec un soupir et en s’essuyant les yeux, je ne pourrai jamais résister !

Mon cheval me tirait par le pan de mon habit comme s’il eût quelque chose à me dire ; je le caressai, pauvre bête ! et les larmes me vinrent aux yeux. — Au fait, pourquoi te forcer ? lui dis-je. Personne ne peut rien contre sa nature.

Catherine, pendant ce temps, avait contemplé son image dans l’eau. Ah ! qu’elle était belle en ce moment ! C’était une roussalka[1] qui me guettait dans ce miroir mouvant. — Me resteras-tu fidèle ? — lui demandai-je tout bas. Une peur terrible de la perdre s’emparait de moi ; j’aurais voulu la supplier à genoux de ne pas me quitter… Que Dieu lui pardonne !

— Je ne t’abandonnerai pas ! s’écria-t-elle en se jetant à mon cou. Ah ! si j’étais belle comme l’aurore, je me lèverais sur ces champs pour éblouir tous les yeux ; mais, telle que je suis, je ne sais ce qui peut lui plaire en moi. Nous nous convenons mieux, nous deux, n’est-ce pas, Balaban ?

J’inclinai la tête en signe d’approbation, et j’emmenai mes chevaux sans répondre un mot.

Balaban s’arrêta. Pendant qu’il parlait, sa pipe s’était éteinte ; il souleva le couvercle, déblaya les cendres avec son couteau, ajouta une pincée de tabac frais ; ensuite il plaça un fragment d’amadou sur la pierre qu’il portait à la ceinture, et se mit à

  1. Ondine des Slavons.