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LOUP ET LOUVE

jambes étaient des colonnes de marbre et ses seins des tours d’ivoire. Il arriva qu’en me rendant au tournoi, le matin, je traversai, au clair soleil, une prairie resplendissante où s’épanouissaient les plus merveilleuses fleurs, et traversée par de joyeux ruisseaux. Une tristesse infinie s’empara de moi, je pensai au peu de temps qui s’écoulerait avant que la parure de fleurs ne soit fanée, et je compris d’un coup combien éphémère est tout ce qui fleurit en ce monde autour de nous. Je pleurai amèrement et une angoisse profonde me saisit. Alors, descendant de mon destrier, je quittai mes nobles atours, je renvoyai mes gens chez mon épouse lui porter la nouvelle, et me rendis dans la solitude pour faire pénitence.

— Et vous vous sentez heureux ?

— Je le suis.

Les deux hommes restèrent longtemps assis l’un près de l’autre en silence, puis Vidal s’éloigna.

Vers minuit, des hurlements lamentables tirèrent la châtelaine de Gabaret de son sommeil.

En hâte, elle jeta sur ses épaules la peau de loup étendue sur son lit, la tête velue de la bête posant sur sa chevelure d’or. Ainsi, transformée elle-même en louve, elle monta à la tour pour regarder.