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LA FONTAINE AUX LARMES

pas été forcé, dans ta patrie, de quitter tes père et mère pour suivre ton époux ? Ne suis-je pas digne de toi ? Il fut des heures, Marie, où ton cœur hautain semblait vouloir battre, où je commençais à espérer. Ce n’était qu’une douce et volontaire illusion. Tu ne m’aimes point. Tu te fanes comme une rose brisée, qui ne peut vivre détachée de l’arbuste verdoyant, ni répandre son parfum que parmi ses divines sœurs.

— Tu as raison, Kerim Gireïs.

— Dis-moi, fleur du paradis, que puis-je encore pour embellir ta vie ?

— Ce qui me manque, tu ne peux, tu ne veux me le donner.

— Et ce serait ?

— La liberté.

— Je ne puis vivre sans toi, Marie, s’écrie le Khan en un élan de passion sauvage. Ce n’est pas mon caprice, ma tyrannie qui te retient ici, c’est l’amour, un amour tel, qu’un homme de ton pays ne peut le ressentir plus ardent ni plus fidèle. Mais tu es malade. Nos nuits sont dangereuses. La fraîcheur, si délicieuse après l’incendie du jour, porte en elle la fièvre de Tauride, le germe de la mort. Sois prudente, pour l’amour de toi ! Adopte la