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LA FONTAINE AUX LARMES

s’éparpiller, joyeuses, comme un essaim d’abeilles, sous les platanes.

Contre le mur du jardin, s’appuie un haut kiosque hexagonal, dont les fenêtres sont masquées par un impénétrable treillis. Là, les femmes de Kerim Gireïs se tiennent pour voir défiler les brillants cortèges des ambassadeurs, ou pour assister aux tournois arabes, qui rappellent ceux des chevaliers chrétiens du Moyen-Age. De là, aussi, le Khan leur fait admirer ses merveilleux faisans argentés quand on leur distribue la nourriture dans la cour, et les pauvres innocentes s’en réjouissent chaque fois, comme d’un spectacle nouveau.

Aujourd’hui, elles sont seules. Le Khan demeure invisible. À sa place, elles n’aperçoivent que la face noire et grimaçante du chef des eunuques, leur souriant de temps à autre derrière un rideau ou une jalousie.

Les jolies recluses du harem se distraient comme elles peuvent à changer leurs robes d’une magnificence orientale, à dénouer et lisser leurs cheveux, ou à se baigner dans la fontaine entourée de rosiers. Enfin, elles s’asseyent sirotant, du café et fumant leurs longs chibouks, autour du jet