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LA PÊCHEUSE D’AMES.

— Encore cinq coups, pour la rendre tout à fait gentille, » dit l’employé.

Les knouts continuèrent à travailler. Bassi criait et pleurait. Son désespoir ne touchait personne, ni l’employé qui fumait son cigare avec un air de parfaite satisfaction, ni les jeunes filles, qui n’étaient pas disposées à lâcher une victime de cette rareté.

Une fois délivrée, Bassi avoua tout, ses relations avec l’Apôtre et Dragomira, la part qu’elle avait prise au meurtre de Pikturno et à d’autres forfaits qui étaient jusqu’alors restés cachés. Elle révéla que la secte avait eu ses repaires au cabaret Rouge, à Myschkow et à Okozyn, et que Dragomira avait emmené le comte pour l’immoler.

« Où l’a-t-elle emmené ? demanda le jésuite.

— Je ne sais pas.

— Alors, le knout !

— Pitié ! Comment le saurais-je ? Elle peut le retenir prisonnier à Myschkow ou à Okozyn. »

L’employé se consulta avec Glinski. Ils décidèrent d’en rester là pour l’interrogatoire, de retourner à Kiew et de se rendre en toute hâte à Okozyn avec toutes les forces disponibles. La juive fut attachée sur l’un des traîneaux, et l’on se mit immédiatement en route.

Cependant la nouvelle de cette arrestation était à peine connue dans le village que Juri partait à cheval pour Kiew, afin d’avertir Sergitsch ; et celui-ci se rendait immédiatement en traîneau à Okozyn. Quand il arriva, les sectateurs de l’Apôtre s’étaient déjà dispersés dans toutes les directions. La plupart s’étaient enfuis du côté de la Galicie ou de la Moldavie.

Dragomira, Henryka, Karow et Tabisch étaient seuls restés auprès de l’Apôtre qui attendait courageusement le danger.

« Fuyez ! fuyez ! leur dit Sergitsch avec précipitation.

— Qu’est-il arrivé ? demanda l’Apôtre d’une voix calme.

— Bassi a été découverte à Chomtschin et arrêtée, continua Sergitsch ; on a employé le knout et elle a tout avoué. Vous n’avez plus ici un seul jour de sûreté. Si ceux qui nous poursuivent se hâtent, ils arriveront dans deux heures. Sauvez-vous pendant qu’il en est encore temps.

— Je laisse chacun libre de s’en aller, dit l’Apôtre ; moi, je reste.

— Moi aussi, s’écria Dragomira, je ne t’abandonne pas. »

Henryka entoura silencieusement son amie de ses bras.

« Moi aussi, je reste, dit Karow.