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LA PÊCHEUSE D’AMES.

Dragomira lui ôta ses chaînes pesantes et le conduisit en haut, à la lumière. Deux jeunes hommes, couronnés de fleurs et vêtus de longues robes blanches, les attendaient.

« Suis-les, dit Dragomira, ils te pareront et t’amèneront ensuite vers moi. »

Soltyk la regarda avec défiance.

« Ne crains rien, dit-elle vivement, je ne te tromperai pas. »

Les deux jeunes hommes conduisirent le comte dans une petite salle, richement décorée, où l’on avait préparé un bain. Ils le servirent comme des esclaves, le déshabillèrent, et, quand il sortit du bain, lui parfumèrent le corps et les cheveux avec des essences d’une odeur exquise. Puis ils lui mirent des sandales dorées, lui passèrent une robe blanche, semblable à une tunique grecque, qui lui tombait jusqu’aux pieds et qui avait pour ceinture un ruban doré, et enfin lui posèrent sur la tête une couronne de roses fraîches. Ils le conduisirent alors dans une salle ornée avec tout le luxe de l’Asie. Dragomira l’y attendait. Ils s’éloignèrent en silence.

Dragomira était mollement étendue sur un lit de repos recouvert d’une peau de tigre. Elle avait autour de son opulente chevelure blonde une sorte de turban blanc brodé d’or. Sa taille élancée, son corps aux merveilleux contours étaient enveloppés et dessinés par une pelisse de soie bleu clair brodée d’or, doublée et garnie à profusion de magnifique hermine. Elle avait aux pieds des babouches de velours rouge également brodées d’or. Elle tendit la main à Soltyk avec un sourire à la fois triste et heureux.

« Comme tu es beau ! murmura-t-elle.

— Et toi ! »

Il tomba enivré à ses pieds et la contempla avec une extase indicible. Elle écarta ses cheveux noirs qui lui couvraient le front et lui passa autour du cou ses beaux bras semblables à du marbre vivant, à de l’ivoire tiède et animé.

« Es-tu heureux maintenant ?

— Laisse-moi l’être encore une fois, murmura-t-il dans son ravissement, et que la mort arrive ! De ta main elle sera la bienvenue. »

Elle ne répondit rien, mais elle l’attira doucement contre sa poitrine, et leurs lèvres se confondirent dans un ardent baiser.

« Est-il temps ? » demanda-t-il au bout de quelques instants.

Elle fit signe que oui.