« J’obéirai, dit-il d’une voix mal assurée, considérez-moi absolument comme votre esclave.
— Alors, vous resterez ici, dit Dragomira, en cachant son poignard, je pars pour Kiew. Jusqu’à mon retour, c’est Henryka qui vous gardera. Vous lui obéirez exactement comme à moi. »
Tarajewitsch s’inclina.
« Vous êtes maintenant mon prisonnier, s’écria Henryka, gardez-vous bien de faire quoi que ce soit qui ressemble à de la désobéissance ou de la trahison. Je suis femme à vous brûler la cervelle sur-le-champ. »
Elle leva son pistolet et le braqua sur lui avec un geste de menace.
« Encore un mot, dit le malheureux d’un ton suppliant quand il vit Dragomira s’avancer vers la porte, que vous proposez-vous de faire de moi ?
— Vous l’apprendrez à mon retour.
— Vous voulez me tuer, murmura Tarajewitsch, parce que je suis votre adversaire ? Vengez-vous, mais laissez-moi la vie. »
Dragomira le regarda avec mépris et haussa les épaules.
« Grâce ! dit-il en l’implorant et en se jetant à ses pieds. Ayez pitié de moi !
— Vous êtes un allié des jésuites, lui répondit Dragomira d’un ton fier, je devrais être sans pitié pour vous ; mais il n’est pas impossible que je tire de vous quelque service. Aussi je consens à vous épargner provisoirement, mais ce n’est que provisoirement et par calcul, vous me comprenez bien, n’est-ce pas ?
— Je vous remercie.
— Ne me remerciez pas, je ne vous ai rien promis. »
Elle sortit du pas d’une souveraine, impassible, avec une froide majesté, le laissant en proie à un morne désespoir. Quelques instants après, le fouet du comte retentissait dehors et les deux traîneaux s’éloignaient.
« Vous êtes confié à ma garde, dit Henryka à Tarajewitsch, et je réponds de vous. Soyez bien convaincu que vous n’avez ici aucun secours à attendre et qu’on vous tuera si vous essayez de fuir. »
Tarajewitsch alla presque machinalement à la fenêtre et vit dans la cour deux hommes armés de fusils.
« Alors, voulez-vous m’obéir ? dit Henryka, le pistolet toujours à la main.
— Oui.