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LA PÊCHEUSE D’AMES.

Un quart d’heure après, un messager à cheval partait avec une lettre de Dragomira pour Mme Maloutine.

En l’état des choses, Dragomira avait besoin de sa mère. Elle ne pouvait pas aller seule à Chomtschin ; et si elle y allait avec Monkony, elle était obligée de revenir aussi avec lui et sa femme. Mais n’y avait-il pas telles circonstances qui devaient absolument la forcer de rester à Chomtschin ? Elle attendit avec une impatience fébrile la réponse de sa mère, et passa une nuit très agitée.

Le lendemain matin, Soltyk partit avec Tarajewitsch pour son vieux château qui n’était qu’à deux lieues de Kiew. Il y avait tout autour de grandes et magnifiques forêts. Soltyk eut immédiatement une consultation avec son forestier et donna les ordres nécessaires pour qu’on pût chasser le lendemain. Les deux messieurs passèrent le reste de la journée à visiter le domaine qui était très étendu, et à jouer aux cartes. Tarajewitsch était un joueur passionné, au point d’en perdre la raison. Soltyk restait toujours froid et calme ; mais cette fois il était distrait, ce qui fit gagner Tarajewitsch sans interruption et le mit en belle humeur.

Cependant Dragomira avait un entretien avec Zésim. Elle lui déclara qu’elle devait aller à Chomtschin ; quant à lui, dans le cas où il serait invité, il n’avait pas à profiter de cette invitation. Zésim lui fit de vifs reproches, mais finit par se laisser calmer. Quand elle l’eut seulement entouré de ses beaux bras comme d’un lacet magique, il fut complètement dompté et fit tout ce qu’elle voulut. Le messager revint, annonçant que Mme Maloutine le suivait de près. En effet, elle arriva au bout d’une heure et elle eut encore le temps de s’entendre avec sa fille sur les points essentiels. Dans l’après-midi, Monkony et Mme Maloutine, Sessawine et Mme Monkony, Dragomira et Henryka partirent pour Chomtschin dans trois traîneaux. Il faisait noir quand ils arrivèrent. Le comte Soltyk les reçut au bas du perron. Après avoir salué les dames et serré la main aux hommes, il offrit le bras à Mme Maloutine pour monter l’escalier. Les autres suivaient. Tarajewitsch devint pâle quand il aperçut Dragomira. Un mauvais pressentiment lui vint et ne le quitta plus.

Une fois la première installation terminée, les nouveaux hôtes se rassemblèrent tous dans le salon pour prendre le thé et causer. Soltyk se tenait loin de Dragomira. Deux mots qu’elle lui avait dits tout bas, au moment de son arrivée, lui