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LA PÊCHEUSE D’AMES.

votre âme. Ce qui est important et nécessaire, c’est que vous vous repentiez. Où ? peu importe. »

Soltyk, qui était déjà complètement sous l’influence de la belle prêtresse, obéit à ses instructions et se retira pendant trois jours dans le couvent des Carmélites, où il se livra à de sévères exercices de pénitence. Quand il revint chez lui, le quatrième jour, il reçut un billet de Dragomira qui lui donnait rendez-vous, chez elle, à onze heures du soir.

Il arriva à l’heure dite. Barichar se tenait auprès de la porte ouverte et monta devant lui au premier étage. Dragomira était prête. Elle prit son bras, quitta la maison avec lui et le conduisit par plusieurs rues à une petite place assez solitaire où Une voiture les attendait. Une fois montés, la voiture les emmena rapidement à travers la ville dans un faubourg éloigné.

Ils s’arrêtèrent devant un vieux bâtiment isolé et entouré d’un mur élevé. Le cocher descendit et frappa trois fois. Un vieillard en costume de paysan vint ouvrir. Dragomira entra avec Soltyk et renvoya la voiture. Le vieillard fit traverser un jardin inculte pour entrer dans la maison, qui avait l’air complètement inhabitée. On ne voyait aucune lumière ; les fenêtres étaient fermées avec des volets de bois ; on n’entendait rien, pas même un chien. À la lueur douteuse d’une lanterne que le vieux portait à la main, le comte vit des murs blanchis à la chaux, crevassés et couverts de mousse, et un escalier vermoulu et à demi ruiné. Quand ils l’eurent monté, il distingua dans le corridor le portrait d’une dame en toilette rococo. Le tableau accroché au mur n’avait pas de cadre.

Le vieillard poussa la porte d’une petite salle dont le plafond offrait des restes d’ornements en stuc, alluma les bougies d’un candélabre en cuivre placé sur une commode du temps de nos grands-pères, jeta deux énormes bûches dans une grande cheminée hollandaise où flambait un bon feu, et resta ensuite près de la porte, attendant des ordres.

« Tu peux t’en aller, Apollon, dit Dragomira, si j’ai besoin de toi, je sonnerai. »

Le vieillard partit, et Dragomira s’assit sur une chaise, près de la cheminée, telle qu’elle était, avec sa pelisse sombre et son bachelick de soie noire brodé d’or, car l’air de la salle était froid et humide et avait une odeur de moisi. La salle elle-même était presque entièrement vide. Avec la commode qui portait le candélabre et la chaise de Dragomira il y avait en tout une autre chaise et une table. Sur la cheminée se