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II

MÈRE ET FILLE

Le monde est un miroir qui montre à chacun son propre visage.
THACKERAY.

Le lendemain, à midi, Zésim renouvela sa visite à Bojary. Cette fois encore la porte resta fermée ; seulement la voix plaignarde de la veille au soir se fit encore entendre et déclara à l’officier qui frappait et refrappait que les maîtres étaient partis.

« Ouvre toujours, cria Zésim.

— Je ne dois laisser entrer personne.

— C’est ce que nous allons bien voir. »

Zésim s’élança sur le mur et sauta de l’autre côté. Au milieu de la cour se tenait une vieille bonne femme, en costume de paysanne, qui le regarda avec épouvante.

« Vous êtes donc un brigand ? balbutia-t-elle.

— Je suis officier de l’empereur, comme tu vois, répondit gaiement Zésim, et en outre un vieil ami de Mme Maloutine. Est-elle dans la maison ? »

La vieille haussa les épaules. Zésim, sans s’occuper d’elle plus longtemps, monta rapidement les marches de pierre couvertes de mousse.

Sur le seuil de la porte une grande et majestueuse personne vint à sa rencontre.

« Madame Maloutine ?

— C’est moi.

— Ne me reconnaissez-vous pas ? Je suis Jadewski. »

Un sourire fugitif glissa sur le visage immobile et dur de la maîtresse de Bojary.