où il travaillera au bonheur de l’humanité et surtout de sa patrie.
— Espérons-le.
— Le comte viendra aujourd’hui pour vous demander la main de votre fille. Soyez prudente. Anitta a sa tête à elle ; son opiniâtreté pourrait tout gâter au dernier moment. Le comte n’a pas besoin de se douter que je suis venu ici et que j’ai annoncé sa visite.
— Certes non ; mais Anitta, vous croyez vraiment que ?…
— Dans notre jeune fille il y a plus de choses cachées que nous n’en imaginons à nous tous. J’en ai le pressentiment, dit le Père, faites bien attention ; nous pourrions être pris au dépourvu.
— Elle se soumettra, répondit Mme Oginska, même si elle n’aime pas Soltyk. Mais pourquoi ne l’aimerait-elle pas ?
— Parce qu’elle en aime probablement un autre.
— Non, c’est impossible.
— Plaise à Dieu que je me trompe !
— Vous ne voulez cependant pas dire, père Glinski, que mon Anitta pourrait favoriser le jeune officier, le fils de ma chère amie Jadeweska ?
— Pourquoi pas ?
— En mettant les choses au pis, ce ne serait qu’une fantaisie de jeune fille, sans conséquence. Je connais cela ; mais le monde est le monde, et aucune jeune fille n’a encore épousé son idéal.
— Espérons le mieux, noble amie, mais attendons-nous toujours au pire ; c’est la vraie, la seule philosophie. N’oubliez jamais que l’extraordinaire est beaucoup plus habituel que le naturel et le régulier, car c’est justement ce dernier qui est le vrai idéal.
— Dois-je prévenir Anitta ? demanda Mme Oginska après une petite pause.
— Non ; à quoi pensez-vous ?
— Ne sera-ce pas pire, si la chère enfant apprend à l’improviste qu’elle est fiancée ?
— Qui songe à cela ? Remettez-vous-en pour tout au comte ; il a une certaine expérience en ces matières, et, croyez-moi, s’il n’obtient pas Anitta lui-même, nous réussirons encore moins. »
Le P. Glinski baisa avec un doucereux sourire la main de Mme Oginska et partit silencieusement et mystérieusement