Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/97

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
81
LA FEMME SÉPARÉE

en ma présence ; il lui paraissait, par conséquent, tout simple que j’éprouvasse du plaisir à procurer aux hommes des tourments. J’avais un caractère orgueilleux, souvent étourdi, assez d’esprit et d’espièglerie, je devais donc réaliser la femme forte de son imagination. Il compara mon intelligence au génie d’une Catherine II, et il se prit à m’adorer de toute la force de son être.

Une erreur bien grave ! Nous la payâmes cher tous deux.

Ah ! si vous saviez comment, malgré mon maintien imposant, mes cheveux noirs et mes yeux aux reflets de flamme, malgré l’hermine majestueuse dont j’aimais tant à me parer et qui m’allait si bien, si vous saviez quel être faible, lâche et bas je faisais ! Oui, toutes mes fautes, je les ai commises par faiblesse !

Lui ne vit pas ce que les autres voyaient. Il ne vit que ce qu’il voulait bien voir. Il aurait pu s’étonner, savez-vous, de ce que, durant ma toilette, je ne signais pas chaque jour un arrêt de mort.

— Et il vous aima à première vue ? dis-je.

— Oui, comme je l’aimais, répondit Mme de Kossow avec un élan d’enthousiasme. Il se mit presque tout de suite aussi à parler d’amour. Non pas qu’il me fit une déclaration ; je n’en avais pas besoin : je n’avais qu’à la lire dans ses regards.