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LA FEMME SÉPARÉE

Leibnitz appelle ironiquement « le meilleur des mondes, » c’est l’histoire d’un « être sec, maigre et rêveur », comme le dit lui-même Cervantes d’une manière si remarquable ; c’est l’histoire d’un homme qui est possédé de toutes sortes d’idées que personne n’a eues avant lui, tout à fait comme quelqu’un qui n’aurait jamais vécu qu’en prison. Dans son livre, Cervantes fait allusion au monde et au cachot, et dans ce livre passe un souffle puissant de l’éternité.

L’arrière-plan met en vue, comme une décoration de théâtre peinte à grands traits, le monde réel. Les tristesses et les tribulations auxquelles l’homme est soumis sont décrites dans le récit, ainsi que ses vices, ses passions et ses égarements.

— Et don Quichotte, lui ? demandai-je, de plus en plus intriguée.

— Don Quichotte est un homme créé par l’imagination du poète, expliqua Julian ; un être qui prend sur lui d’accomplir tout ce qu’il a lu, qui sort de sa maison, un casque de papier mâché sur la tête, dans le but de tout régulariser, de venir en aide aux faibles, de venger ceux qui sont opprimés, d’anéantir l’injustice et d’améliorer les lois et les coutumes.

Il ne voit partout, en véritable idéaliste, que ce qu’il veut voir, et de cette manière il lui arrive de prendre des auberges pour des manoirs, des filles pour de grandes dames, des coquins pour des che-