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LA FEMME SÉPARÉE

— Don Quichotte ! m’écriai-je. Comment l’entendez-vous ?

— Dans le sens, repartit Julian, de la trilogie qu’il forme avec Hamlet et Faust.

— Don Quichotte ! répétai-je surprise. Je me rappelle l’avoir lu, tout enfant, et m’en être bien amusée.

— Justement. De même que vous vous amusez aujourd’hui de moi et de mon idéalisme, dit Julian avec un bon sourire et en me regardant fixement.

— Non, non, m’écriai-je. Je ne me moque point de vous. Et je ne me moquerai plus de don Quichotte ; seulement, il faut que vous me l’expliquiez.

— Cela vous ennuiera, dit-il en secouant la tête.

— Cela m’intéressera, je le sais, m’écriai-je.

Je me sentais comme transformée : c’était la première fois de ma vie que je me trouvais en face d’un homme sans songer à le rendre amoureux de moi ou sans me soucier de ma toilette.

Cette noble nature m’étonnait et m’inspirait une véritable crainte. Je me sentais bonne, en ce moment, et je buvais ses paroles avidement.

— L’histoire de don Quichotte, commença Julian, non comme s’il voulait m’instruire, mais avec une charmante simplicité, est l’histoire de l’idéaliste. Sur cette misérable petite boule de terre glaise que