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LA FEMME SÉPARÉE

Les « deux âmes » dont parle Faust étaient en continuelle contradiction chez moi.

Il voyait maintenant la seconde âme, l’âme de la femme qui s’adore elle-même comme le roi Nabuchodonosor. Après ma maladie on m’avait coupé mes cheveux, qui encadraient mon visage, maintenant, de leurs mèches lisses comme celles d’une nihiliste, et me donnaient quelque chose de masculin. Ma tête y gagnait une expression hardie, impérieuse et dure. Ma taille, rendue svelte par les souffrances, s’élançait dans ma robe de soie noire fermée sous le menton.

Moscheles m’avait apporté de l’éther pour frictionner mes pieds, que j’avais constamment glacés.

En m’expliquant comment j’avais à m’en servir, il me toucha sans façon le genou, à diverses reprises. Cette marque d’intimité blessa Julian au cœur. Le portrait de la « femme virginale » fut remplacé en lui par celui de la « femme diabolique », qui existait chez moi aussi peu que la première. Moscheles entraîna mon mari pour lui parler élection, car il ne m’avait amené Julian de Romaschkan que pour que je tue les préjugés qu’il avait contre mon père ; nous restâmes seuls, par conséquent.

Ce fut alors, dans ce jour qui devint un des plus sérieux de ma vie, que Julian me dit ces paroles remarquables, touchant l’idéalisme, qui me firent une impression si vive, et que je tiens à vous répéter.