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LA FEMME SÉPARÉE

près ainsi : « Ma gracieuse, je pars pour Paris un de ces jours, permettez-moi de vous rapporter quelques soieries et une pièce de dentelles. »

Et un an plus tard : « Chère Kossow, quelles fourrures avez-vous là ? De vraies peaux de rats ! Je viens justement de recevoir deux sacs de zibeline de la duchesse. Je me ferai l’honneur de venir en déposer moi-même un à vos pieds. »

Avec cela, prêtant de l’argent à mon mari, à tort et à travers, jusqu’à ce qu’il se ruinât, possédé de l’idée que les traites que le mari ne peut payer, la femme les acquittera de sa personne, et que lui, Moscheles, aura aussi l’occasion de jouer le tendre Salomon du Cantique.

Maintenant, sachez que toutes ces belles idées étaient écloses sous une perruque, que notre « savant humain », tourmenté par des cors, boitait des deux pieds, que son large visage toujours souriant, percé d’yeux en boule de loto, était d’une pâleur qui le faisait prendre pour un Pierrot, et que toutes ses dents étaient fausses.

Mon mari, du reste, était persuadé qu’il n’avait pas au monde d’ami plus dévoué qu’Aaron Moscheles. Ce qui le persuada encore davantage, c’est que, sans motifs, on le priva de sa place, et qu’Aaron boita de l’un à l’autre de ses amis haut placés pour essayer de le faire réintégrer dans ses fonctions.