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LA FEMME SÉPARÉE

fausse signature. Au commencement, il s’était présenté avec un certain aplomb. On lui avait fait crédit. Maintenant on découvrit que l’argent qu’il avait en arrivant, il le tenait d’une banque russe, qu’il avait dévalisée, en compagnie d’autres bandits. Plusieurs informations nous vinrent de sa ville natale. Il ne possédait ni titres, ni fortune, et avait réellement été garçon pharmacien. Très jeune encore, il avait fait des faux et avait été obligé de s’enfuir. C’est alors qu’il s’était joint à l’insurrection. Il n’y avait, du reste, joué aucun rôle, ni rien accompli de remarquable. C’est à peine si on se rappelait son nom.

Ainsi, non seulement j’avais perdu mon bonheur, mon avenir, ma santé, mais, ce qui est pis que tout cela, j’étais devenue ridicule.

La jeunesse dorée de la capitale et les femmes du demi-monde me gratifièrent d’un surnom insultant. Ils m’appelèrent « la veuve de l’apothicaire. »

Et Julian, que je pensais châtier par ma perte, Julian, que je me flattais de torturer atrocement, me bénit de l’avoir congédié et me traita avec un dédain railleur qui faillit me rendre folle. Ce qui m’irritait le plus, c’est qu’il me comblait, même à distance, de bienfaits. Comme il savait qu’il m’était impossible de vivre avec la pension que me servait Kossow, il tenta de me réconcilier avec mon mari