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LA FEMME SÉPARÉE

— Pas autant ! dit Julian d’une voix sourde. Bon. Encore cela. Enfin ! Je t’ai séparée de ton mari et de tes enfants. Je patienterai près de toi jusqu’à la fin. Mais n’exige pas, par exemple…

— Et le Polonais ?

— Le Polonais sauta dans un fiacre et se précipita, vers minuit, chez les Romaschkan, en criant : Au secours ! il l’égorge, il l’égorge !

Comprenez-vous bien, maintenant, toute l’infâme bassesse de cet homme qui admet la possibilité que je sois égorgée, et qui s’enfuit, laissant la femme qu’il aime et dont il est aimé en proie au danger d’être assassinée par un homme que la colère et le désespoir aveuglent ? Oh ! comme je me pris à le haïr, à cette heure, et moi avec lui ! Et alors l’édifice mensonger et trompeur qu’il avait dressé à mes yeux croula subitement. Nous avions formé le projet de nous enfuir en Suisse ensemble. Là, il devait me faire bâtir une villa princière, m’entourer d’un luxe inouï. Et nous découvrîmes qu’il ne possédait pas un liard. Il avait spéculé sur ma fortune, tout simplement. La splendeur de mes toilettes l’avait trompé ; mon élégance avait failli me livrer à un aventurier et à un coquin !

Mon indignation s’accrut encore lorsque la traite pour laquelle Julian avait donné sa signature lui fut présentée.