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LA FEMME SÉPARÉE

— Avez-vous vraiment des principes ?

Katinka affirma de la tête d’un air très sérieux.

— Mais continuons notre promenade.

Elle lâcha les rênes. Nous mîmes nos chevaux au pas. Elle appuya sa main sur le pommeau de sa selle et se tourna gracieusement de mon côté :

— Vous savez, sans doute, que mon intention est de ne pas me remarier, commença-t-elle. Et savez-vous aussi le motif qui m’y force ? C’est que je ne veux pas tromper.

Je la regardai tout surpris.

— Oui, je veux jouir de ma vie, de ma beauté, sans entraves, mais aussi sans remords, ouvertement et honnêtement. Je ne connais qu’une des lois de la morale : l’honnêteté envers moi et envers les autres. Je ne suis pas un homme, je suis une femme. L’homme a à s’inquiéter de l’État, du peuple ; il a à donner des lois, à faire la guerre, à rechercher la vérité ; il a à découvrir, à créer et à civiliser ; la vocation que la nature m’a donnée, à moi, c’est l’amour, et je la remplirai sans hésitation, sans hypocrisie et sans égoïsme, comme la « sœur de charité » de Béranger. La misère des hommes est si profonde, que leur préparer un peu de joie est pour le moins une œuvre aussi bonne que de nourrir des affamés ou de soigner des malades. Et où est