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LA FEMME SÉPARÉE

ne le repousse pas, c’est tout, criai-je pleine d’angoisse. Je ne t’ai pas trompé, je te le jure.

— Ainsi tu ne m’aimes plus ? dit Julian avec un regard si douloureux, si profondément amer, qu’il remua tout mon être.

— Oh ! je t’aime encore, dis-je.

— Perfide créature ! murmura le Polonais.

— Silence ! ordonna Julian, en tournant la tête vers lui.

— Écoute, continuai-je, tout peut encore s’arranger. Mais, toi… j’ai cru que tu ne m’aimais plus ?

— Que je ne t’aimais plus ?

— Tu venais me voir si rarement…

— Et pourquoi ? demanda-t-il d’un ton amer, parce que je travaillais pour toi, nuit et jour. Il est plus facile, naturellement, de rouler des cigarettes, de débiter des flatteries et de raconter des mensonges.

— Toi, faire allusion à moi, cria le Polonais en se donnant un air digne.

— À toi, sans doute, repartit Julian, et maintenant, écoute ce que je vais te dire.

Il marcha vers Mezischewski, et le toisa des pieds à la tête.

— Tu as feint d’être mon ami, n’est-ce pas ? et tandis que je t’accordais ma confiance, à toi, un étranger, tandis que je te donnais mon argent, tu m’as