Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/278

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
262
LA FEMME SÉPARÉE

qui a été roué peut-il raconter les tortures qui lui ont été imposées ? Je voudrais vous dire bien des choses et ne le puis. Ah ! sûrement, hier, j’ai expié bien rudement tous les péchés que j’ai pu commettre. J’étais sous votre fenêtre, car je ne pouvais résister au désir ardent de vous épier, lorsque vous étiez avec lui. J’avais gravi le monticule, de l’autre côté de la route, et je me tenais dans l’ombre, sous un arbre. Je vis, oh ! maudits soient mes yeux qui ont dû contempler de telles choses.

» Vous vous teniez entre la table, chargée de bougies, et la fenêtre, de sorte que vos silhouettes se dessinaient, distinctes et noires, sur le rideau. Je vous vis seule d’abord et mon cœur fut baigné d’une douce joie. Puis, vous vous éloignâtes pour le ramener avec vous. Il semblait vouloir se dérober à vos caresses, mais vous l’enlaciez de vos deux bras, votre tête reposait sur sa poitrine. Vous l’entraîniez. Je ne vis plus rien. Une éternité. Enfin, vous voilà de nouveau. Vous vous appuyez au rebord de la fenêtre, vous réparez votre toilette. Le feu de l’enfer me brûle. Mon cœur bat, mes veines se gonflent ; son ombre à lui passe derrière le rideau. Vous vous jetez sur lui comme une bacchante. Je ne vois plus que sa tête maintenant. Il semble s’agenouiller devant vous,