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LA FEMME SÉPARÉE

le bandeau des yeux. Il m’aurait retrouvée devant lui, toujours masquée, la tête enveloppée d’un voile de dentelles noires, vêtue d’une toilette de velours garnie de zibeline, — une merveille, — qui appartenait à la générale.

Je l’aurais embrassé, je l’aurais pressé contre mon cœur, je l’aurais comblé de caresses, et, lorsqu’il aurait été sur le point de tout oublier, je serais partie d’un éclat de rire glacial, je l’aurais repoussé en arrachant mon masque. La comtesse, alors, serait entrée, vêtue de pourpre et d’hermine, un loup de velours rouge sur la figure, et suivie de deux hommes masqués. Sur mon ordre, les hommes masqués auraient saisi Julian et l’auraient attaché solidement à une des massives colonnes du lit Louis XV qui se trouvait là.

— Et puis ?

Elle tressaillit violemment, comme sous le coup d’un souvenir fâcheux. Une lueur fauve éclaira ses yeux. Ses narines frémissaient, son poing se crispa comme pour retenir le manche d’un fouet.

— Vous l’auriez battu ?

— Oh ! oui, battu jusqu’au sang ! s’écria-t-elle. Il est vrai que, moi, je n’aurais pu lui faire beaucoup de mal. Je sais qu’après quelques coups j’aurais perdu connaissance. Mais la générale aurait achevé mon œuvre. Vous savez, un amour dédaigné ne par-