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LA FEMME SÉPARÉE

grise, courte et rude. Son pardessus gris semblait être trop étroit pour lui ; ses manches et son pantalon étaient beaucoup trop courts, ses bottes étaient rapiécées, sa chemise dans un piteux état. Comme son équipement provoquait quelques sourires chez les assistants, les yeux d’Élisa se remplirent de larmes, et, lorsque Mme de Romaschkan conduisit Würger à la chambre qui lui était destinée, Julian toucha Élisa à l’épaule et lui demanda :

— Qu’as-tu ?

— Je ne sais, répondit-elle. L’idée m’est venue que tu pourrais un jour être aussi misérable que lui, et cela m’a fait de la peine.

Julian prit la tête de la jeune fille, l’appuya sur son cœur, et il la pressa un instant contre lui avec extase.

Würger fut bientôt installé dans sa chambre, qui touchait à celle de Julian. Les deux amis conversaient du matin au soir. L’Allemand en imposait à Julian par ses idées et son instruction remarquables, tandis que celui-ci admirait le caractère antique de Julian, sa franchise, sa simplicité. Ils s’entendaient fort bien. Par Würger, Julian apprit à connaître Schopenhauer et l’histoire naturelle ; Würger, au contraire, s’initia, au contact de Julian, à la poésie et à la philosophie de la vie.

Le jeune Allemand était un grand esprit, mais