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LA FEMME SÉPARÉE

mèneras la vie d’une princesse. Si Romaschkan est contre moi, tout échoue ; il a en main des armes terribles. — Mon mari se frappa le front du poing. — Oh ! que j’ai été bête d’exiger une rupture, que j’ai été niais ! Anna, écris-lui, écris-lui tout de suite. Appelle-le auprès de toi. Et quand il sera là, tu entends, tu exigeras de lui la promesse de ne pas me compromettre. As-tu compris, mon enfant ? Il faut qu’il t’en donne sa parole, sa parole d’honneur.

Je promis tout ce qu’il voulut. J’écrivis à Julian. Mon mari me guida la main. Je reçus la visite de Julian le soir même. Mon mari était sorti. Je m’attendais à une scène de la part de Julian, à des reproches, à des larmes. Il n’en fut rien. Cet homme était admirablement maître de lui. Il s’informa de ma santé et promit de ménager mon mari. Il ne parla pas de nos rapports ni de notre avenir. Au bout de quelques minutes, il se leva et me tendit la main.

— Adieu, dit-il d’un ton très doux.

Ses grands yeux noirs avaient des lueurs tristes. Je relevai la tête, je voulus approcher mes lèvres de sa bouche. Il se détourna, s’inclina respectueusement, et sortit de la chambre.

— Julian ! criai-je d’une voix émue.

Il ne m’entendit pas. Il ne voulut pas m’entendre.