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LA FEMME SÉPARÉE

— Faites venir un médecin, dis-je.

Car vraiment j’avais peur de mon mari. Je n’aurais pas accepté de sa main la moindre tisane.

— Je promets d’en faire demander un tout de suite, dit mon père. Êtes-vous satisfait, monsieur de Romaschkan ?

Julian s’inclina sans parler, me tendit sa main, — elle était froide et sèche, — et s’éloigna sans honorer mon mari d’un regard. Ses illusions s’envolèrent à partir de cette heure triste ; la peau de lion glissa de mes épaules : il me vit dépouillée de mon prestige, faible et méprisable. Et cependant, il ne me retira pas son amour.

Je me faisais honte.

Lorsque je me retrouvai seule avec mon mari, celui-ci tomba à genoux. Il me supplia de lui rendre mon amour, et, comme je ne répondais pas, il me menaça de me tuer et de se brûler la cervelle. Un médecin vint, envoyé par mon père. Il jugea mon état fort grave. Toutefois, mon mari ne me laissa aucun repos. Enfin, comme il ne quittait pas mon chevet, et comme je me sentais si malade qu’il me semblait que je ne me relèverais plus, je lui promis de me séparer de Julian, de lui appartenir à lui seul. Mon mari prit le crucifix accroché à la muraille et me le tendit :

— Jure ! dit-il.