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LA FEMME SÉPARÉE

Je l’écoutai un moment en silence, puis je posai en riant ma main sur son épaule.

— Cela ne vous empêche pas de vous faire friser les cheveux chaque jour, m’écriai-je en désignant du geste ses magnifiques boucles brunes.

Turkul tressaillit. À partir de ce moment, il me tint sûrement aussi pour une nouvelle Sémiramis. Cela ne le découragea pas néanmoins et il resta mon adorateur sincère. Ma cruauté ne l’épouvanta nullement.

Le soir suivant, Julian arriva dans notre retraite, comptant m’y trouver. Il attendit deux heures, trois heures ; il s’inquiéta, je ne parus pas.

Il m’attendit en vain le lendemain. Il ne reçut aucune nouvelle. Il lui était impossible de venir me rejoindre, ou même de m’écrire. Il avait coupé lui-même tous les fils qui le reliaient à moi. Il me chercha dans les rues, à l’église ; il passa de longues heures sous mes fenêtres, sans rien découvrir. Enfin, il s’imagina que je l’abandonnais, et il se laissa aller à cette apathie sinistre qui mène les caractères faibles au suicide. Enfin, il reçut de mes nouvelles. Turkul, envoyé par ma belle-mère, lui apporta un papier où ces lignes étaient tracées au crayon : « Kossow a manqué à sa parole. Il martyrise la pauvre Anna jusqu’à la mort ; elle a le délire. Julian seul peut la sauver. »