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LA FEMME SÉPARÉE

notre petite villa, où nul ne soupçonnerait ma présence. Turkul nous quitta pour aller s’acquitter de ses commissions.

Vers onze heures, comme je ne rentrais pas, les paroles de Julian commencèrent à tourmenter mon mari et à l’inquiéter sérieusement. Il sortit, erra au hasard à travers les rues, alla me demander chez mon père, puis chez les Romaschkan, où il réveilla toute la maison, à minuit. Là on lui dit que Julian m’avait enlevée, mais on ne sut lui dire où nous étions allés. Il ne renonça pas cependant à l’idée de me chercher. Il arpenta les rues jusqu’à l’aube. Puis il entra dans un café et y resta jusqu’à ce qu’il fît jour.

Pendant ce temps, nous étions très calmes, Julian et moi. J’avais mis ma jaquette de fourrures et préparé du thé. Vers dix heures, l’heure à laquelle j’avais l’habitude de coucher mes petites filles, je fus envahie par une grande tristesse et je commençai à pleurer.

— Que font mes enfants maintenant ? dis-je en sanglotant. Ma bonne Waleska, ma gentille petite Lola !

Puis je devins d’une gaieté folle. Je chantai avec Julian des refrains d’étudiants et des chansonnettes françaises. Nous ne nous couchâmes qu’au matin. Je m’étendis sur le divan, couverte du manteau de