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LA FEMME SÉPARÉE

ce qu’il y a de plus drôle, c’est que cela n’a été rendu tel que par un acte de pruderie. Savez-vous comment ? Le peintre d’abord, selon son intention, nous montra la belle femme nue, sortant du bain ; mais, depuis que Marie-Thérèse, la créatrice des « commissions de chasteté » et la mère de dix-neuf superbes enfants, scandalisée à la vue du portrait, fit peindre, sur les formes irréprochables et la chair rose de la femme de Rubens, un manteau de fourrures, la physionomie changea du tout au tout. La chaste et belle Forman est transformée en une cruelle coquette ; elle laisse tomber à demi un manteau qui servirait à la cacher tout entière, de manière à ce que la peau éblouissante soit relevée par le noir des fourrures. Elle veut être vue et elle veut plaire, et c’est ce qui rend le portrait indécent[ws 1].

Je ne trouvai pas de réponse. Hélas ! me dis-je, entre nous il y a un gouffre béant. Mon amour parviendra-t-il à le combler ?

Julian parla peu le reste de la soirée, et se montra de très mauvaise humeur, surtout à mon égard.

Tandis que les invités s’en allaient accompagnés par Élisa et Mme de Romaschkan, je demeurai seule avec Julian, dans sa chambre. Je m’empressai de prendre sa tête entre mes deux bras, sur mon cœur, et de lui demander ce qu’il avait.

  1. Note de wikisource : voir : Peter Paul Rubens, Het pelsken, Porträt der Hélène Fourment