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LA FEMME SÉPARÉE

Une longue pause suivit. J’entendais la respiration calme et profonde de Mme de Kossow. Enfin, un vieux domestique, aux sourcils blancs et emmêlés comme du chanvre frais, entra, et posa sur la table des candélabres d’argent repoussé, noircis par le temps, un service à thé, une petite boîte de cigarettes fabriquées à Pétersbourg, « Pheresli très-fort », et un majestueux samovar, une véritable petite usine au goulot fumant.

La vive lumière réveilla l’oiseau dans le corsage de sa maîtresse. Il se débattit violemment, avec un cri de colère. Elle ouvrit d’un mouvement brusque sa kasabaïka, et le laissa tomber sur ses genoux. Il vola, à moitié endormi, sur la table, secoua la tête, étira ses ailes d’or et les lissa, avec ses petits pieds ; lorsqu’il vit Mme de Kossow placer un morceau de sucre entre ses lèvres, il termina rapidement sa toilette, puis voltigea, et s’assit sur son épaule, d’où il becqueta avidement le brin de sucre, entre les lèvres roses de la jolie femme.

Quand elle se mit en devoir de servir le thé, il s’envola dans son petit ermitage de verdure, et commença un concert, de sa voix claire et retentissante.

Mme de Kossow me tendit les cigarettes et en alluma une pour elle. Elle reprit son récit, au bout d’un moment, avec une sorte de gaieté, en suivant