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L’AMOUR CRUEL

rue allait en se rétrécissant à cet endroit. Lorenzo recula d’un pas, et dissimulé dans l’ombre, attendit.

Au bout de quelques minutes, une merveilleuse tête de jeune fille parut, évoquant l’image de la Sulamite, avec son opulente chevelure nocturne entrelacée de perles. Elle se pencha, cherchant au loin, de ses grands yeux de velours sombre, la forme de celui qui se trouvait si proche.

Doucement, le jeune homme sortit de sa cachette et, ôtant son béret, salua la belle.

Elle s’effraya grandement en le voyant surgir, si près que leurs mains pouvaient se toucher. Son premier mouvement fut de fuir ; mais elle demeura.

— Excusez mon audace, gentille demoiselle, commença Lorenzo, je ne pouvais partir sans vous avoir remerciée.

— C’est à vous, repartit la jeune fille, à excuser une Juive qui ose importuner un chrétien, et de plus un noble à ce qu’il me paraît.

— Ne parlez pas ainsi, reprit l’adolescent, profondément ému par le son de cette voix. Il me faudrait croire que vous voulez vous moquer et j’aimerais à penser…

— Quoi donc, noble Seigneur ?