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LE MYRTHE DES AMANTS

Un soir, le jeune Lorenzo, issu de la souche patricienne des Altoviti, traversait le Ghetto avant la fermeture. C’était l’heure où les belles filles d’Israël se tenaient aux fenêtres grillées, épiant le retour des frères, des pères et des époux. Lorenzo était un bel adolescent, ayant à peine atteint ses vingt ans. Son visage fier et doux s’encadrait d’opulentes boucles blondes et un léger duvet couleur d’or ornait ses lèvres et son menton. Le costume un peu étroit, souple et collant de l’époque, l’habillait avec grâce et comme il cheminait, l’épée au côté, faisant résonner ses éperons énormes sur le pavé, plus d’un œil noir de jeune fille se fixait sur le passant.

Soudain, comme tombée du ciel, une éclatante rose pourpre glissa à ses pieds. Il la releva et chercha d’où lui venait ce don, mais en vain. Tout paraissait comme mort autour de lui. Il reprit sa route, mais la gracieuse aventure hanta son esprit. Aussi, le jour suivant, revint-il à la même heure, et, comme il passait, la même fleur, gage d’amour et de bonheur, lui fut lancée. Cette fois, l’œil au guet, il vit la fenêtre et, attrapant la fleur au vol, devina derrière les barreaux une claire silhouette de femme, qui s’esquiva. La