Page:Sacher-Masoch - La Czarine noire et autres contes sur la flagellation, 1907.djvu/260

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
244
L’AMOUR CRUEL

clavecin, et esquissait un air de Lulli, tandis qu’auprès d’elle sur un tabouret, presqu’à ses pieds, un jeune homme alignait sur une feuille blanche, des mots qui le faisaient rire aux éclats.

Ce poète, car c’en était un, n’était ni beau ni élégant ; mais son fin visage portait le sceau de l’esprit et du talent, qualités qui, à cette époque, étaient aussi appréciées que le rang et la fortune. Le jeune écrivain, sur le désir exprimé par son amie, avait accepté une tâche qui, pour le moins, pouvait conduire le docile adorateur à la bastille. Il composait une satire contre la toute-puissante favorite aux pieds de laquelle la France entière se prosternait et dont la petite main glissait ses doigts jusque dans les rouages des affaires d’État.

— J’ai fini, Adrienne, cria soudain le jeune homme, en se mettant à danser de joie, à travers la chambre. Puis, prenant une attitude copiée sur les meilleurs artistes des Français, il déclama son poème.

Adrienne, interrompant son jeu, écoutait avec un intérêt croissant les vers sonores et méchants.

— Très bien ! charmant ! approuvait-elle de temps en temps.