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L’AMOUR CRUEL

droit qu’il ne concevait point la pensée que l’arbitraire pût prévaloir contre lui : la vérité et la justice lui donneraient satisfaction, il en était sûr.

Il resta absent un mois, puis deux, puis trois. Lorsqu’il revint enfin, ses nobles traits étaient ravagés, ses cheveux, gris.

Sans prononcer une parole, il baisa son fils sur le front et des larmes roulèrent le long de ses joues.

— Que t’a dit le roi ? demanda le jeune homme.

— Il n’a rien dit, il a caressé sa moustache.

— Tu vois, père, il n’est point de justice.

— Il y a une justice, reprit Hemelnizki sur un ton d’effrayante solennité, et nous irons la chercher où elle est… auprès de Dieu, qui juge les coupables et les innocents.

— Que veux-tu faire ? demanda son fils étonné.

— Chercher mon droit, n’as-tu pas entendu ?

Le même jour, Hemelnizki rédigea une provocation à la République polonaise, provocation constituant en même temps un manifeste en faveur des opprimés. Il y notifiait au gouvernement, qu’ayant vainement cherché auprès des tribunaux ordinaires et extraordinaires et chez le roi lui-même, la justice, il la demandait à Dieu, le sabre