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L’AMOUR CRUEL

— Cela vous surprend ?

— Je n’en avais pas le moindre soupçon.

— Comment est-ce possible ? On affirme pourtant…

— Qu’un jour Marie me tenait au cœur ? C’est vrai… Mais, aujourd’hui, je l’abhorre autant que je l’ai aimée et, depuis des années, je n’ai pas permis qu’on prononçât son nom devant moi.

— Vous haïssez cette belle et crâne femme ? fit le général avec étonnement. Puis-je savoir pourquoi ?

— Pourquoi ? Parce qu’elle a foulé à ses pieds mon cœur, mon honneur, ma dignité.

— Racontez-moi cela.

— C’était au temps où j’habitais encore mon rocher de Strécca sur la Waag, d’où je ne m’éloignais que rarement, pour aller combattre les Turcs, ennemis de mon empereur et de ma foi. Mon bonheur aux armes me rendit bientôt célèbre dans ma patrie, et, lorsqu’une affaire me conduisit à Kaschau, je trouvai auprès du vieux Scetzi et de sa fille, un bienveillant accueil. Voir Marie et l’aimer fut pour moi une et même chose. Elle partagea ma passion et sut en exciter la flamme jusqu’à l’extrême.