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L’ENNEMI DES FEMMES

Le journal la Vérité ne fit pas attendre son jugement. Il fut sévère, non pas seulement dédaigneux, mais implacable en détail. Comme si elle eût deviné la main perfide qui essayait de l’atteindre à travers ce volume, Nadège s’appliqua à tourner en raillerie, à flétrir, par instants avec une éloquence hautaine, ces prétendus ennemis des femmes, qui n’étaient, pour la plupart, que des infidèles éconduits ou des présomptueux évités.

Elle fit justice de ce byronisme passé de mode, et, après avoir désenflé l’orgueil de ces moralistes démoralisateurs, elle aborda, par une critique littéraire, vive, serrée, incisive, l’œuvre poétique de Jaroslaw.

Elle montra combien il était facile, à cette heure du dix-neuvième siècle, de faire illusion au public, avec quelques vers imagés, quelques expressions pittoresques ; mais elle restitua à Byron, à Goethe, à Heine, à Shelley, toutes les plumes que le paon Jaroslaw avait empruntées. Elle prouva, par des énumérations de poètes, que le dilettantisme littéraire de l’époque donnait de grandes facilités pour s’exprimer avec goût sur toutes choses, mais qu’il resterait toujours un secret interdit aux écrivains uniquement doués de mémoire ; que le génie était un don, et non une prime à conquérir par une gymnastique savante ou élégante. Elle fit dégringoler le malheureux poète de son mât de cocagne et pulvérisa le piédestal qu’il se faisait offrir.

Tous les rieurs furent du côté de Nadège. Dio-