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L’ENNEMI DES FEMMES

— Si j’avais su qu’il fût malheureux, dit-elle sérieusement, j’aurais été moins dure pour lui.

Quand la soirée fut terminée, M. Barlet reconduisit Constantin jusqu’au bas de l’escalier pour lui dire à l’oreille :

— Tout va bien, mon ami ; elle vous croit très malheureux !

— La belle affaire ! Si elle me dédaigne !

— Elle a pitié de vous ; or, mon dictionnaire de l’Amour le dit expressément :

« Quand la pitié se montre, l’amour n’est pas loin. »

Constantin fit un geste de doute ; mais, arrivé au rond-point de la place, il se sépara de ses compagnons qui allaient au café, prétexta un violent mal de tête, et, après une feinte, revint sur ses pas, pour rôder doucement le long des clôtures en planches du jardin Pirowski ; comme si le bois dût être plus perméable aux soupirs d’amour.

La maison devenait silencieuse ; les lumières s’éteignaient à tous les étages : Constantin finit par contempler les étoiles. Un vent doux secouait les arbres ; l’air était plein de senteurs pénétrantes.

— Ah ! si elle était capable de m’aimer, pensait le pauvre amoureux, cette belle nuit parlerait à son âme, comme elle parle à la mienne !

Tout à coup, il entendit une voix qui appelait Petrowna.

— Je suis ici, répondit la jeune fille, du milieu du jardin.