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L’OURS AMOUREUX.

« Holà ! poltrons ; il n’y a aucun danger. Arrivez donc, tas de vauriens ! »

Et elle adossa l’échelle à l’entrée de la trappe.

Lorsque son mari et sa suite héroïque furent descendus, elle leur raconta brièvement les propositions et les tentatives du curé, et leur assura que le diable, pour le punir de sa coupable passion, venait de le métamorphoser en ours.

— Dieu nous assiste ! murmura le mari en se signant.

— Ce n’est pas tout. Maintenant, c’est à nous à le punir, afin de le délivrer, ajouta Anastasie.

— Mais… s’il mord, objecta Korsuk.

La jeune femme secoua la tête et partit d’un éclat de rire.

— Imbécile, dit-elle. Il n’est pas plus ours que toi ou moi. C’est le prêtre en personne, qui venait dans l’intention de me séduire.

— Alors, malheur à lui, l’hypocrite, cria le mari.

— Faites ce que je vous dis, ordonna Anastasie. Toi, cours à l’église, sonne le tocsin, et rassemble devant notre porte toute la population. C’est elle qui le jugera. Vous autres, aidez-moi. Nous allons nous emparer de lui ».

Anastasie, suivie des compagnons de son mari, rentra dans la chambre.

« Regardez donc ce qui est arrivé à notre pauvre curé, s’écria-t-elle. Pour l’expiation de ses crimes, il a été changé en bête fauve. Aussi, mes amis, aidez-moi à le délivrer. Donnez-moi des cordes, d’abord, pour le lier. L’ours eut beau pousser un grognement sourd ; voyant qu’il n’inspirait aucune crainte, il eut beau menacer, implorer, les paysans ne tinrent aucun compte de ses supplications. Ils le saisirent par les pieds et par les