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À KOLOMEA.

— Oui ; mais explique-moi comment il se fait que la plupart de nos prières sont composées d’un mélange d’hébreu et de chaldéen et qu’elles sont écrites dans un langage que non seulement les anges ne comprennent pas, mais dont nous ne saisissons pas nous-mêmes le premier mot. Et, dis-moi, que penses-tu d’un service divin durant lequel les fidèles marmottent des phrases dont ils ne comprennent pas le sens ? Franchement, n’est-ce pas de la folie, mon bon Pintschew ?

— Non, reprit triomphalement Pintschew, ce n’est pas de la folie. Ne lit-on pas dans Moïse, 5, 6, 14 ? « Écoute, Israël ! » Par conséquent, le devoir d’un juif intègre est d’écouter et non de comprendre lorsqu’il prie. »

Mintschew éclata de rire ; la jeune femme se pencha hors de la fenêtre, toute pâle, les yeux cernés. Cette fois, Pintschew rentra chez lui sans ajouter un mot.

Pintschew et Mintschew se disputaient depuis qu’ils étaient au monde. On ne se rappelait pas les avoir vus converser tranquillement. Ils pouvaient à peine se tenir debout que déjà ils s’arrachaient leurs jouets. Ainsi, par exemple, Pintschew monté sur un magnifique poney de bois aurait vu Mintschew aller à cheval sur un méchant bâton cueilli dans une haie voisine, vite il aurait abandonné son magnifique coursier pour galoper sur le bâton de Mintschew. Leurs disputes finissaient ordinairement par des coups, des cris et des torrents de larmes. Les séparait-on, ils pleuraient encore plus fort. Chacun d’eux ne voulait jouer qu’avec son ami. Lorsqu’ils devinrent Chedergungel[1], ils passèrent pour les plus grands ennemis qu’on pût rencontrer. Ils se disputaient sur le chemin de l’école, ils se disputaient pendant la classe,

  1. Écoliers.